Depuis le jour de ton départ, les volets verts
De notre maison ne sont plus jamais ouverts
Et sur le balcon en fer forgé qui surplombe
L’avenue, on ne voit plus jamais de colombe
Ils sont tous dans l’état où tu les as laissés,
Comme des yeux restant obstinément baissés
Depuis ce jour, par les différentes fenêtres
Nulle clarté, nulle lumière ne pénètre
Le soleil ne luit plus sur ce triste décor
Il ne réchauffe plus ni les cœurs ni les corps
L’ombre m’est maintenant devenue coutumière
Et mes yeux s’habituent au manque de lumière
A quoi bon rechercher encore le soleil
Toi seule pouvais le sortir de son sommeil
Cette maison si sombre et si désordonnée
Qu’un passant distrait la croirait abandonnée,
Maintenant je n’ai plus envie d’y rien ranger
Il me semble que si l’on venait y changer
Le moindre détail ou le moindre objet de place,
Ce serait encore un peu de toi qu’on efface
Depuis l’instant de ton départ, cette maison
Ne connaît plus de jour, de mois ou de saison
Comme une fleur figée par le froid et le givre,
Depuis ce jour elle s’est arrêtée de vivre
Plus personne, je crois, ne viendra désormais
Occuper près de moi la place où tu dormais
Cette place où le soir, je t’observais sans cesse
C’était comme un écrin pour ma seule richesse
Là, je passais la main dans tes cheveux dorés
Et je plongeais les yeux dans tes yeux adorés
Aussi azurés que le ciel de Saragosse
A coté de toi, je m’endormais comme un gosse
Dans un meuble en bois blanc, au fond de ton tiroir,
En t’en allant, tu as oublié un miroir
Ce miroir où tu t’es si souvent observée
C’est la seule chose à toi que j’ai conservée
La seule que tu m’aie laissée en t’en allant
Je le prends parfois dans mes mains, le cœur battant,
Avec l’espoir fou d’y retrouver ton image
Mais je n’y trouve rien d’autre que mon visage
Cette glace devant laquelle, le matin,
Tu maquillais tes yeux et ta peau de satin
Pourquoi n’a telle donc pas su garder captive
Au fond du verre ton image fugitive ?
J’ai retrouvé aussi un flacon entamé
De ton parfum fleuri que j’avais tant aimé
Toi, tu n’avais jamais voulu que je t’en offre
Tu le gardais comme un secret au fond d’un coffre
Quand je débouche le flacon d’un rouge clair,
Le parfum se répand, et en flottant dans l’air,
Agit sur mon esprit comme la madeleine
Pendant un court moment, la pièce semble pleine
De ta présence comme avant, et l’on dirait
Que la porte bientôt va s’ouvrir sur tes traits,
Comme si tu avais juste fait une course
Dans les magasins de Louise ou de la Bourse
Mais le temps s’écoule, et je n’ose pas penser
A ce qu’il adviendra quand j’aurai dépensé
Le seul alcool qui puisse encore me rendre ivre,
Lorsque je n’aurai plus rien pour faire revivre
Quelques minutes ton souvenir adoré
Lorsque tout ce parfum sera évaporé …